Port de Montréal - Printemps 2016
13 mars 2016. Le Federal Barents arrive chez Lantic, à la section 46 de la jetée Sutherland du Port de Montréal, le ventre rempli à ras bord de 31 500 tonnes de sucre.
Le Federal Barents est amarré à la jetée Sutherland, près de la raffinerie de sucre Lantic située au 4026, rue Notre-Dame Est, à Montréal.
Ce vraquier qui appartient à Fednav, un transporteur maritime international de Montréal, avait quitté le port de Punta Morales, au Costa Rica, le 15 février précédent, chargé de sa précieuse marchandise.
À bord, 22 hommes assurent la bonne conduite de l’imposant navire de 200 mètres de long et 24 mètres de large. Le Federal Barents constituera la demeure des matelots pendant neuf mois consécutifs. Quand ils rentreront chez eux, en Inde, à la fin de leur contrat, leurs enfants auront grandi et, pour certains, un petit dernier se sera ajouté à la tribu. Les officiers, eux, partent en mer pour des périodes plus courtes, soit de quatre à cinq mois. Pour le commun des mortels, c’est quand même long !
Le port de Mersin, en Turquie
Après y avoir déchargé son sucre, le Federal Barents a quitté le port de Montréal le 23 mars à 23 h 59. Sa prochaine escale : Thunder Bay, ville située au sommet du lac Supérieur, dans le nord de l’Ontario. Les marins y chargeront du grain destiné à la Turquie. Ensuite, ils redescendront les Grands Lacs, puis la Voie maritime, puis le chenal du Saint-Laurent jusqu’au golfe. Ils traverseront l’océan Atlantique pour rejoindre l’important port de Mersin, dans le sud de la Turquie. Et après ? On ne sait pas encore.
Comment la vie s’organise-t-elle pendant les longs mois à bord d’un navire transatlantique ?
« Nous formons une famille ! », s’exclame le capitaine Karl Fernandes, commandant du Federal Barents. Comme dans la plupart des familles, on s’entraide, mais il faut également cultiver l’art du compromis et du « vivre ensemble ! » Son équipage est composé de 22 marins, soit 8 officiers, 2 officiers à l’entraînement et 12 matelots. Le travail est organisé selon un horaire bien établi : chaque jour, chaque marin doit être à son poste pendant deux blocs de quatre heures. Et ce sont quatre heures de travail soutenu. Quant au capitaine, il est aux commandes du navire 24 heures sur 24. Bien sûr, il se fait remplacer quelques heures par jour, mais si un pépin survient, c’est lui qu’on va chercher. La nuit comme le jour.
Le capitaine Karl Fernandes, commandant du Federal Barents
À la timonerie, les officiers en devoir exercent une surveillance sans relâche. C’est ici qu’on pilote le navire en se tenant au fait des conditions climatiques, du niveau d’eau et de la circulation sur la voie de navigation. La responsabilité est énorme, surtout quand la circulation est intense ou quand il fait mauvais.
De son côté, le chef mécanicien, Rajesh Kataria (portant le casque), son second, Subramanian Ramanathan (3e à partir de la gauche) et leur équipe sont responsables du bon fonctionnement de tout l’aspect mécanique du navire. Leur travail s’est complètement transformé avec l’informatisation des dispositifs de contrôle des machines.
Les techniciens-mécaniciens étaient nombreux, autrefois, à travailler sans relâche dans la salle des machines pour démarrer le moteur manuellement et pour activer, toujours manuellement, tous les rouages mécaniques.
Aujourd’hui, il suffit d’appuyer sur un bouton pour mettre en marche l’énorme moteur de cinq cylindres.
Quand ils ne travaillent pas, que font les marins, prisonniers du navire pendant de longs mois ?
Un salon est aménagé pour eux. Ils peuvent y regarder des films à la télé, jouer à des jeux comme les échecs ou aux cartes. Des ordinateurs branchés à Internet leur permettent de troquer pendant quelques instants la navigation sur l’eau pour la navigation virtuelle. Par ailleurs, des services comme Skype ont révolutionné leur vie : ils peuvent maintenant communiquer en direct avec leur femme, leurs enfants et leurs amis, et non seulement se parler, mais aussi se voir ! « Cela atténue la douleur de l’éloignement », dit Denzil Mascarenhas, premier officier du Federal Barents.
Les jeux de société, c’est bien beau, mais vient un moment où on a besoin de bouger ! Rien de tel, alors, qu’un tournoi de ping-pong! La salle des sports n’est pas très grande, mais on a trouvé le moyen d’y installer aussi un tapis roulant et un exerciseur.
Même en mer, on ne peut se soustraire aux tâches domestiques. Les marins disposent d’une salle de lavage et de séchage complète.
Trois fois par jour, la salle à manger accueille l’équipage dont tous les membres sont de nationalité indienne. Le cuisinier n’a donc pas à se casser la tête pour plaire à tout le monde. Au menu, des plats typiquement indiens : cari d’agneau ou de poisson, poulet korma, crevettes masala, etc.
Bien équipée, la cuisine n’a rien à envier à celles de grands restaurants.
Surendra Durgekar, le cuisinier, a plusieurs livres de recettes indiennes. Il remplit ses frigos une fois par mois. À Montréal, ville cosmopolite, il n’a aucune peine à trouver les ingrédients et les épices caractéristiques de la cuisine indienne. L’équipage à bord du Federal Barents apprécie particulièrement les mets très épicés : « Je passe 6 kilos d’assaisonnement au chili par mois ! » s’exclame le cuisinier.
Le cuisinier a fait son épicerie à Montréal et a entassé dans le garde-manger assez de vivres pour un mois.
Et voilà les frigos pour les fruits, à gauche, et pour la viande, à droite. Un troisième frigo est réservé aux poissons et fruits de mer.
Les officiers disposent de leur propre salle à manger.
À bord du Federal Barents, chaque marin a sa propre chambre à coucher et, la plupart du temps, sa propre salle de bain. Dans quelques cas, deux chambres se partagent la même salle de bain. La photo montre la chambre du capitaine. Celles des autres marins ne sont pas tellement différentes. Les temps ont bien changé; autrefois, le capitaine logeait dans une véritable suite, spacieuse et luxueuse. Aujourd’hui, les navires sont construits en fonction de critères d’efficacité et d’économie. Mais il faut toujours prévoir que les chambres puissent accueillir la famille d’un officier, ce qui arrive fréquemment.
Quand il n’est pas à la timonerie, où s’effectue le pilotage du navire, le capitaine travaille dans son bureau. Il y a beaucoup de formulaires à remplir et, avec l’explosion de la réglementation des dernières années, les tâches administratives prennent de plus en plus de temps dans la vie des officiers.
De son bureau, une large fenêtre permet au capitaine de surveiller les opérations de chargement et de déchargement qui se déroulent à l’extérieur, sur le quai.
Et voici l’infirmerie, avec sa pharmacie. Chaque équipage doit obligatoirement pouvoir compter sur des marins formés en secourisme et en premiers soins.
Les conditions de vie à bord se sont nettement améliorées au fil du temps. Elles sont plus que jamais encadrées par une réglementation internationale et des associations de marins voient à leur respect.